Montréal, Québec – Le fiasco de SAAQclic, dont les dépassements de coûts et les ratés ont été mis en lumière par la vérificatrice générale du Québec, et qui a mené à une perquisition de l’UPAC le 18 juin 2025, révèle un problème profond : l’absence d’imputabilité chez certains acteurs clés. Ce n’est pas seulement une question de confiance publique ; c’est une défaillance systémique qui exige des mesures concrètes, incluant des sanctions pénales et financières, et une révision de la gestion des vérificateurs, pour éviter de futurs désastres. L’analyse de ce concept fondamental offre des pistes claires pour renforcer les mécanismes internes de l’État.

L’Imputabilité : Le Maillon Faible Révélé par SAAQclic

L’imputabilité est la capacité d’une personne, d’un groupe ou d’une institution à répondre de ses actions, décisions ou résultats. Elle est synonyme de redevabilité : quand on est imputable, on doit rendre compte. Dans le cas de SAAQclic, le tableau brossé suggère une défaillance flagrante de ce principe.

Le scandale des dépassements de coûts et le chaos du déploiement de SAAQclic représentent une tache pour l’efficacité de l’État québécois. Les critiques soulignent que le gouvernement du Québec, en niant toute responsabilité, envoie un signal préoccupant. Cette attitude renforce l’idée qu’il n’y a pas d’imputabilité réelle chez ceux qui ont géré le projet, sapant la crédibilité des processus internes et risquant de normaliser une culture où les erreurs coûteuses ne sont pas sanctionnées.

Pourquoi l’Absence d’Imputabilité est un Problème Majeur pour l’État

L’imputabilité est cruciale non pas seulement pour le citoyen, mais pour le bon fonctionnement de l’administration elle-même :

  • Gestion efficace des ressources : Sans imputabilité, l’utilisation des fonds, des talents et du temps est susceptible de déraper, comme l’illustre SAAQclic.
  • Processus de décision robustes : Savoir qu’on devra rendre des comptes incite à des décisions plus réfléchies et basées sur des données solides.
  • Apprentissage et amélioration continue : L’imputabilité force à reconnaître les erreurs et à en tirer des leçons, plutôt que de les ignorer.
  • Prévention des abus et de la corruption : C’est le meilleur rempart contre les malversations ou la négligence, en offrant des mécanismes de suivi et de transparence.

Lorsque la responsabilité est niée, cela donne implicitement des munitions à ceux qui réclament une refonte drastique de la bureaucratie et renforce des préjugés injustes envers l’ensemble des fonctionnaires, alors que le problème réside souvent dans l’absence de mécanismes d’imputabilité clairs ou appliqués.

Moyens à Activer : Sanctions, Réforme de la Vérification et Principes Éthiques pour Éviter de Nouveaux Fiascos

Pour qu’une situation comme celle de SAAQclic ne se reproduise pas, il est impératif de mettre en place ou de renforcer des mécanismes d’imputabilité concrets, incluant des mesures plus coercitives et une approche préventive :

  1. Définir des rôles et responsabilités clairs et mesurables dès le départ : Avant le lancement de tout projet majeur, chaque intervenant, du plus haut dirigeant au gestionnaire de projet, doit avoir des objectifs précis, des pouvoirs définis et des indicateurs de performance clairs. Cela doit inclure des jalons et des budgets à respecter.
  2. Mettre en place des mécanismes de reddition de comptes formels et réguliers :
    • Comités de suivi indépendants : Créer des comités avec une expertise externe et une autorité réelle pour évaluer la progression des projets, identifier les risques et alerter les décideurs en amont.
    • Rapports d’étape transparents : Obliger la publication régulière de rapports d’avancement détaillés, y compris les écarts de coûts et d’échéanciers, à la haute direction et aux organismes de surveillance.
  3. Intégrer des principes d’intégrité, de disponibilité et de confidentialité dès le contrat et la structure :
    • En amont et au cœur des contrats : Chaque contrat lié à un projet public doit inclure des clauses strictes exigeant l’intégrité, la disponibilité (des ressources et de l’information pour la vérification) et la confidentialité (des données sensibles traitées, sans entraver l’auditabilité) de la part de l’organisme chapeautant le projet et de ses contractants. Ces principes ne doivent pas être de simples déclarations, mais des obligations mesurables avec des pénalités claires en cas de non-respect.
    • Principes fondamentaux de l’organisme de vérification : L’organisme responsable de la vérification ou de la supervision doit être explicitement régi par ces mêmes principes :
      • Intégrité : Impartialité absolue et absence de conflits d’intérêts.
      • Disponibilité : Accès sans restriction et en temps opportun à toutes les informations, données, systèmes et personnels nécessaires à la vérification.
      • Confidentialité : Protection des informations sensibles obtenues, tout en assurant une transparence suffisante pour la reddition de comptes.
  4. Établir des conséquences claires et dissuasives en cas de non-respect des règles ou des objectifs :
    • Sanctions pénales : En cas de fraude, de corruption, de négligence criminelle ou de falsification de documents, des peines de prison doivent être appliquées aux individus reconnus coupables.
    • Amendes substantielles : Imposer des amendes significatives aux entreprises et aux individus responsables de mauvaise gestion flagrante ou de défaillances contractuelles majeures. Ces amendes pourraient, par exemple, être proportionnelles aux dépassements de coûts ou aux dommages causés.
    • Mécanismes disciplinaires internes renforcés : Mettre en œuvre des procédures disciplinaires claires et appliquées pour les cas de négligence grave ou de mauvaise gestion avérée au sein de l’administration, pouvant aller jusqu’au renvoi.
    • Clauses de performance et de pénalité dans les contrats : Pour les projets impliquant des entreprises externes, intégrer des clauses de performance strictes et des pénalités financières robustes en cas de non-respect des livrables, des échéanciers ou des budgets.
  5. Renforcer et mieux gérer les vérificateurs et auditeurs :
    • Indépendance accrue : Garantir que les bureaux des vérificateurs généraux et les unités comme l’UPAC disposent de l’indépendance financière, opérationnelle et hiérarchique absolue pour mener leurs enquêtes sans ingérence.
    • Ressources adéquates : Assurer que ces organismes disposent des budgets, du personnel qualifié et des outils technologiques nécessaires pour suivre efficacement les projets complexes et enquêter sur les irrégularités.
    • Pouvoirs élargis : Accorder aux vérificateurs des pouvoirs d’accès aux informations, aux documents et aux témoignages plus étendus et plus rapides, sans entraves bureaucratiques.
    • Suivi obligatoire des recommandations : Exiger que les recommandations des vérificateurs et des auditeurs soient non seulement prises en compte, mais que leur mise en œuvre fasse l’objet d’un suivi rigoureux et public, avec des justifications claires en cas de non-application.
  6. Développer une culture organisationnelle de l’imputabilité : Au-delà des règles formelles, il est essentiel d’inculquer une culture où chaque acteur se sent personnellement responsable de ses contributions et des résultats collectifs. Cela passe par le leadership exemplaire et une formation continue sur l’éthique et la gestion responsable.

Le cas SAAQclic met en lumière une réalité criante : l’imputabilité n’est pas qu’une question de moralité, mais un impératif stratégique pour une gestion publique saine et efficace. C’est en activant ces leviers, y compris des sanctions plus sévères et une meilleure gestion des outils de vérification, et en instaurant ces principes fondamentaux en amont, que l’État pourra non seulement éviter de reproduire de tels échecs, mais aussi restaurer la confiance dans sa capacité à gérer les affaires de la collectivité avec compétence et transparence.

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